2 avril 2025
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18:38
Hier soir, j’ai eu un vertige.
Assise sur le siège passager, roulant à plus de 90 kilomètres dans la plaine du Var menant vers Nice, mon cœur fut pris en étau. Il était 21h30, et après une journée passée dans la Vésubie à découvrir les ravages des tempêtes Alex et Aline, nous rentrions vers Nice. Nous avions redescendu les mille mètres de dénivelé en sillonnant la route étroite et sinueuse des gorges sauvages de la Vésubie et arrivions aux portes du cœur métropolitain.
Longeant le Var, le fleuve paraissait entièrement emprisonné dans son couloir de béton l’amenant se jeter dans la Méditerranée. Prenant sa source 1800 mètres plus haut à l’entrée du parc national du Mercantour, je réalisais que le Var chemine sur plus d’une centaine de kilomètres pour finir son périple dans un milieu entièrement anthropisé, coincé entre deux routes, enfermé dans des digues.
Comme lui, je me voyais cheminer des montagnes vers la vallée, des forêts et sommets de Vésubie aux usines de Carros et centres commerciaux niçois. L’entrée dans la plaine, au niveau de Plan du Var, marquait une frontière entre deux mondes. En l’espace de quelques minutes, nous laissions les routes étroites et sombres pour retrouver l’urbanisation que nous avions quitté quelques heures plus tôt. De nuit, l’étalement urbain sur la plaine du Var avait un autre visage. Aux paysages de collines mitées par les nombreuses villas et immeubles visibles de jour, l’obscurité n’offrait que pollution lumineuse. Sans discontinuité, les collines étaient pleinement éclairées. Loin de me faire penser à de belles lucioles, ces innombrables petits points lumineux me rappelaient la quantité de béton coulé ces dernières décennies sur les collines niçoises. Des verrues lumineuses défigurant ces paysages autrefois préservés.
Le ventre creusé par la faim et perturbé par l’enchaînement de virages dans les gorges, je me sentais nauséeuse. Mais la nausée ne venait pas que de la voiture. Ce trajet dans une métropole inconnue rendait visible ce à quoi je m’habitue, malgré moi, dans des territoires plus familiers : l’emprise humaine, sa décadence.
La ville de Nice ne cesse de s’étendre. Attractive, urbanisée, bétonnée. Depuis le début des années 2000, la plaine du Var, dernière plaine agricole de la ville, a été entièrement artificialisée pour devenir le nouveau centre métropolitain. Dans les terres fertiles de la vallée, des usines et bureaux de grandes entreprises ont poussé en zone inondable, et les derniers agriculteurs ont été relégués aux terres arides de fond de vallée.
Hier soir j’ai eu un vertige. Mon corps a exprimé ce malaise profond qui m’habite au quotidien. Le Var, Carros et la pollution lumineuse des collines niçoises n’étant que le déclencheur de l’expression d’une peur plus profonde.
Quand arrêterons-nous de divaguer complet ?
Fiona Mille
Présidente de Mountain Wilderness France